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Thé vert et mots d'esprit
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  • Non, Gingembre Confit n'est pas un blog culinaire. Gingembre Confit c'est mon projet de réunir un ensemble de textes inédits qui formeront un livre. Gingembre Confit, c'est ma passion pour les mots, le créatif, l'intrigue. Un imaginaire à découvir...
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Thé vert et mots d'esprit
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10 octobre 2009

"La jalousie fait mal, elle enfle et dégénère en sarcasmes. Un peu comme une plaie qui s'infecte et suppure" Amos Oz

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L'ENFANT QUI N'AVAIT PAS DE REFLET
OU
LE NARCISSE MODERNE
PART II


***Ni sursaut, ni mouvement de recul ne suivirent sa découverte; pas même une larme versée. A la place, un silence étonné, figé. Etait-ce lui, était-ce un autre? On ne percevait que les murmures de l'eau qui flattaient le bois de l'embarcation, docile, bercée par les remous. Puis un rire au son cristallin, franc et frais, jaillit d'entre ses lèvres pour rebondir sur les parois alentours. C'était donc pour cela que se brisaient les mille miroirs, que tour à tour on l'adulait et le haïssait, qu'on lui volait son image comme on dérobait le fruit convoité. Les hommes étaient bien étranges.

***Fasciné par sa nouvelle liberté de pouvoir enfin se contempler à sa guise, le jeune homme toucha son visage, effleura le grain de sa peau, passa les doigts sur ses cicatrices, entortilla son index dans ses cheveux. Il fit courir son pouce le long de ses lèvres, suivit l'arrête de son nez, lissa ses paupières, frôla le lobe de ses oreilles, et pinça ses joues. Il resta encore un moment interdit, s'abreuvant de tout ce qu'il avait manqué durant toutes ces années. Puis il poursuivit son périple et en quelques jours, atteignit la surface.

***Son premier réflexe fut de fermer les yeux, agressé par tant de lumière. Puis lorsque ceux-ci se furent accoutumés, il put enfin contempler l'au dehors, humer l'air frais et la vie, fouler l'herbe humide à ses pieds, caresser la terre molle et friable. Tout ici respirait un monde chaleureux et accueillant. S'allongeant au milieu des blés auxquels se mêlaient d'éphémères coquelicots, il se laissa baigner dans cette atmosphère dorée qui enveloppait cette fin d'après-midi.
***Hélas, son bonheur fut de courte durée: Au palais des nuages trônait le soleil, et l'astre tout puissant pâlit lorsque le garçon émergea de l'obscurité; car son éclat qu'il n'avait pas perdu rivalisait aisément avec ses feux. Craignant que ce nouveau prétendant ne lui fasse de l'ombre, le roi céleste redoubla d'ardeur jusqu'à lui brûler la peau.

***Incapable de comprendre les motifs de cette nouvelle agression, les rayons meurtriers le pourchassant partout où il fuyait, le jeune homme chercha l'ombre, unique refuge où il connaissait le répit. Cette fois-ci, plus rien ne put retenir le flot de ses yeux. Les larmes coulèrent, comme autant de frustrations refoulées jusqu'alors. Ses gémissements hoquetaient au rythme des sanglots. Il sentait la rage monter en lui, cette volonté de souffrance qu'il avait toujours ignorée, face à sa propre faiblesse, à sa propre impuissance. Et comme lorsque l'on n'a personne sur qui porter sa colère, il s'en prit à lui-même, lacérant de ses ongles ce visage qu'à présent il détestait tant. Pourquoi chacun semblait-il se liguer pour lui faire payer le prix de sa seule existence? Quelle était sa faute si ce n'était celle d'être né? Et pourquoi un tel acharnement?

***Il erra de village en village, mais aucun d'eux ne l'accueillit à bras ouverts. Dès qu'il en abordait un nouveau, on condamnait portes et volets, on sortait les chiens, et on le chassait à coups de pierres. Il plut le lendemain. Recueillant la boue qui jalonnait le chemin, il s'en recouvrit le visage, de dépit… de honte aussi. C'est alors qu'il tomba nez à nez avec une jeune fille qui revenait du puits d'où elle avait tiré de l'eau.

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