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Thé vert et mots d'esprit
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  • Non, Gingembre Confit n'est pas un blog culinaire. Gingembre Confit c'est mon projet de réunir un ensemble de textes inédits qui formeront un livre. Gingembre Confit, c'est ma passion pour les mots, le créatif, l'intrigue. Un imaginaire à découvir...
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Thé vert et mots d'esprit
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10 octobre 2009

"Que celui qui meurt d'Amour meurt donc de chagrin, car il n'y a rien de bon à aimer sans mourir" Naguib Mahfouz

What_is_sleep__by_beccastardust_2LA TOURMENTE BLANCHE
PARTIE VII(FIN)


***Le temps s'effile, Gabriel poursuit son rôle et s'enferme dans une contemplation passive de l'être aimé: lorsqu'elle se rend au parc, il l'observe jouer rêveusement avec ses cheveux, perché sur une branche, tandis qu'il caresse d'un air absent l'écorce de l'arbre. Parfois, lorsqu'elle souligne ses grands yeux verts d'un trait azur, il se fond dans le miroir et semble vouloir étreindre son reflet. A l'étude, il s'assoie sur le rebord de la fenêtre, et s'imagine traverser la vitre, planant au milieu des feuilles qui bientôt, se teindront de cuivre.
***L'été est là, mais dans les rues, les cités, il fait froid. Gabriel n'existe plus qu'à travers la douleur qui le transcende. Ils marchent, parmi la foule désordonnée qui évolue sur les trottoirs. Les voilà anonymes, perdus, fondus dans une masse où évoluent les masques les plus effrayants. Gabriel ne pense plus, sa tête est creuse, son cœur est vide. Toutes ces questions qui lui ôtaient le sommeil, hantaient ses songes, torturaient ses entrailles, ne sont plus. Elles ont fui, abandonnant leur proie à des puissances plus noires encore. Gabriel ne parle plus, la parole s'est tue en même temps que l'espoir. Ces mots, que baignait la passion, n'ont pu émouvoir ni la terre, ni les cieux. A quoi bon les garder, à quoi bon les retenir, les préserver, puisqu'ils ne satisferont plus que lui-même. Et son égoïsme ne remplacera jamais ce qu'il a perdu. Les voilà qui s'envolent, de nouveau emprunts de cette liberté qu'on leur a enfin rendu.

***Leïla s'est démarquée de la foule qui continue de glisser librement sur les trottoirs. Pensive, les yeux et le cœur perdus dans la musique qui inonde ses oreilles, elle s'engage sur le passage clouté. Il ne voit pas tout de suite la voiture qui déboule à l'embouchure de la chaussée et qui, emportée par son élan, ne parvient à réfréner son ardeur. Lorsque enfin il l'aperçoit, il est trop tard. Pétrifié, il voit l'engin se ruer sur la jeune fille qui ne pousse qu'un cri. Il est trop tard pour l'arrêter.
***Soudain une lumière. Tout se fige. L'ange a rejoint la chaussée. Avec une infinie douceur, ses mains rencontrent le dos de la jeune fille et la pousse vers le trottoir. Une pression, une seule, unique, une caresse volée. Et dans ce dernier geste de tendresse, il déverse tout son amour. Cet amour qui enfin, a trouvé son accomplissement. Comme dans un rêve qui voit sa fin approcher, ses doigts quittent le contact de sa peau, encore tout emprunt de sa chaleur.
Le choc, violent, sous l'effet de la vitesse, produit un son effrayant. La voiture percute le corps qui roule et s'en va racler le macadam sur plusieurs mètres. Il gît au sol, ses membres déchirés, meurtris, inanimés. Ses tempes, sa poitrine, les commissures de sa bouche, laissent s'écouler des traînées abondantes d'un liquide rouge, poisseux qui colle à ses plumes, ses cheveux. Sa peau, brûlée, arrachée, laisse deviner par endroits la blancheur de ses os brisés. Gabriel ne dit pas un mot. Les anges, d'ordinaire, ne saignent pas.
***Aussitôt, on accourt, on s'affaire vers la carriole dont le conducteur sort encore tout sonné. On observe l'impacte du pare-brise, ces traînées de sang qui viennent d'on ne sait où car Leïla est indemne. On s'enquiert auprès d'elle, elle est sous le choc… mais sauve. Gabriel reste invisible, aux yeux de tous. Personne ne le voit partir.
***Le ciel est gris, il pleut. Et Gabriel pleure, purifie ce corps souillé, broyé, cette poitrine ouverte, qui n'est plus qu'un amas de plaies béantes, mêle ses larmes au sang, ce sang donné pour une vie. Dans un dernier élan de tendresse, il étend sa main vers elle, et il lui semble effleurer sa joue, sentir une dernière fois la fraîcheur de son visage au bout de ses doigts. Il a choisi, il ne retiendra pas la vie qui s'enfuit. Et tandis que, le sourire bercé par les larmes, son corps se soulève, s'alanguit une ultime fois, l'ange expire. Et il s'efface, s'évanouit, comme gommé du paysage, ses restes s'éparpillent, dispersés à tous vents.
***Il neige. En plein été. On demeure perplexe, face à l'étrangeté des évènements, les caprices du temps… Leïla étend la main pour cueillir la neige qui s'épanche autour d'eux. Elle avait cru apercevoir une faible lumière, alors qu'on la poussait sur le trottoir. Et ce contact sur sa peau, si tendre, si doux, si chaud … L'a-t-elle rêvé? Probablement… Au creux de sa paume, les cristaux de glace viennent se lover pour expirer, déshabillant ces quelques larmes prisonnières tout en fondant. Ses doigts se referment doucement sur ce fragile cadeau. Puis, sans plus se soucier de sa frayeur, elle poursuit son chemin, sans remarquer la plume qui s'est accrochée au pan de son sac…

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